Des contes à rectifier le conformisme

Pour contrer la formule « des contes à dormir debout » et en faire lire à ma petite-fille d’inédits et originaux… j’ai fait une trouvaille dans mon hypermarché préféré, Carrefour pour ne pas le nommer !
Après les cartons imprimés pour devenir fusée ou carrosse ou château 🏰 afin que les petits enfants, aimant le coloriage, puissent s’en donner à coeur joie…
Carrefour propose un produit qu’il faut vraiment acheter quand on a, comme moi, dans sa famille, un enfant en maternelle ou CP.
Pour fêter ses 60 ans, (âge auquel je suis devenue grand-mère pour la première fois), cet hypermarché commercialise à 1 Euro seulement ( comment les auteurs peuvent-ils être assez rétribués pour leur travail à ce prix si bas?) 6 ou 7 albums de contes dont j’ai eu la bêtise de n’acheter que ceux-ci…
Bien sûr, j’avais pris la peine de parcourir ces quatre contes en magasin, afin de privilégier le caractère agréable de la mise en page et l’esthétique du dessin, (selon mes goûts) mais je ne me suis rendue compte de leur valeur qu’une fois rentrée chez moi !
Chaque conte combat des à prioris stupides de la vie quotidienne, dénoue des situations possiblement conflictuelles dans les rapports humains et engage tout le monde à envisager autrui avec ses différences.
Le popotin de Potamie démontre comment l’hippopotame femelle ainsi nommée sort d’affaire plusieurs personnages grâce… à son arrière-train !
Le sac à dos rose rappelle que les garçons aussi peuvent porter la couleur rose et que tout enfant peut vivre dans un foyer où le papa effectue des tâches ménagères en aussi grand nombre que la maman. Il y a un phénomène de retournement de situation quand le petit garçon qui a perdu son sac à dos se voit prêter celui de sa soeur et que l’écrivain suggérait qu’il ne pouvait pas s’en contenter : le garçon interpelle le narrateur du conte qui doit recommencer son récit phallocrate pour l’amender.
Amis pour la vie rassure l’enfant sur les conséquences d’une séparation d’avec un ami. Ce texte est très poétique.
Le doudou du Capitaine montre des corsaires, (ces affreux personnages de contes de fées aussi présents dans les goûters d’anniversaire des tout-petits que les fées et les licornes), cachant un souvenir d’enfance.
Mais ce dernier récit n’est pas à lire sans explications préalables car dans le contexte actuel des informations, il ne convient guère d’inciter un enfant à considérer que les méchants ont de bons côtés ni les habituer à estimer les mauvais individus comme plus intéressants que les gentils… Il faudra réserver cette lecture au moment où un film aura fait peur à l’enfant en prenant toutes les précautions possibles.
Mininous va adorer ces points de vue modernes, elle qui ne fait jamais rien comme on s’y attendait! Nul doute que ses commentaires m’époustoufleront… J’ai hâte !
Les quartiers de Lune 🗃️📙

– ça se passe où ?
– à Ploutrécat, en Bretagne fictive. Il y a la gendarmerie dirigée par Arouet, la casse de Lulu, le restau de Marie-Jo, le bistrot d’Oeil de velours et ses anarchistes, la boulangerie de Le Cam, la charcuterie de Jean-Louis Tréguic, le docteur Le Boullonec, une mercerie, une mairie, une pharmacie, une école avec ses instits… tous les habitants « historiques » et les nouveaux implantés, les riches ou bien le curé, Joseph Diabaté, au parcours atypique… Bref, tout le monde se connaît là-bas… et pourtant !
– C’est-à-dire ?
– Ben, l’ex-maréchal des logis de la gendarmerie, Isidore Lune, va consacrer son temps libéré de néo-retraité à la reprise d’une série de trois affaires non élucidées, trois disparitions de petites-filles de 6 à 7 ans, en sachant très bien que le coupable ne peut être que quelqu’un du coin !
-Il est comment ce Lune?
– Un original, celui-là ! Il préfère le thé au café, il ne jure pas ou presque. Calme, il aime ses deux chattes et ses arbres « élevés » depuis leur graine… Il nous étonne à chaque page, ce type ! Il aime aussi son prochain, par esprit civique. Sportif, il est golfeur et passionné de football télévisé, en abonné à l’Equipe. Fidèle en amitié, cet « indécrottable célibataire » roule en 2CV Charleston jaune et noir, modèle 1982. Il a besoin de tout noter pour bien réfléchir… Une figure, je te dis.
-C’est une histoire de vengeance qui se mange froide?
-Pas du tout ! A la Hercule Poirot ou Maigret, Isidore mange de bons petits plats en interrogeant les gens mais il n’a aucun tic à la Monk et n’est pas un alcoolique comme le commissaire. Dans ces pages, on discute autour d’un plateau de fruits de mer, on ramasse du bois flotté ou on répare la deudeuche… Et le gendarme réfléchit… déduit… avance. Tu sais à Ploutrécat, on vend encore les boutons ou les vis à l’unité alors il faut ménager les susceptibilités locales ! Il faut aller à Erquy pour trouver du romantisme!
– Le tout ne file pas sur les chapeaux de roue, alors?
– Mais c’est justement là ce que j’ai apprécié en venant faire un tour à Ploutrécat, en Bretagne avec des Bretons ! Crois-moi : j’ai lu et relu pour repousser l’arrivée à la conclusion parce que c’est Lune de Bretagne qui vaut le coup… Et maintenant que j’ai été, par la force des choses, expulsée des lieux… Ils me manquent!
Si vous voulez une critique plus explicite de cette oeuvre de Patrick Fouillard dont je vous recommande la lecture… Allez vous informer sur BABELIO, avec Maman Lyonnaise, Natn et Yvpol qui ont eux aussi apprécié ce roman policier (lien ci-joint) .
Deux oeuvres de John Irving
Pour en savoir plus sur John Irving voir ici et y trouver les résumés des deux ouvrages que j’ai lus.
Le monde selon Garp:
« Un livre culte à l’imagination débridée » dit la quatrième de couverture… eh bien je suis d’accord pour l’imagination de John!
Quelle densité! Pas même 40 ans de vie de son héros et tant d’événements, tant de sujets de réflexion…. Ah! on en a pour son argent! Trop même…
Encore un livre d’homme sur « la concupiscence »! prétexte à de nombreuses scènes d’une crudité pas toujours gratuite mais qui me sont devenues pénibles du fait de leur multiplication.
J’aurais bien retranché 100 pages aux 640 de l’oeuvre dans la collection aux éditions du Seuil pour m’éviter des détails scabreux dont la crudité me gêne vraiment… non par pruderie excessive mais parce que je trouve notre époque suffisamment obsessionnelle sur ce plan, au détriment des vrais sentiments, pour qu’on lui donne toujours plus de grain à moudre. Nous ne sommes pas que des animaux, contrairement à ce que certains, des hommes principalement, l’affirment (quoique… nombre de mes élèves adolescents masculins me pousseraient à le croire en les regardant agir)!
L’auteur affirme, dans la préface, qu’il a donné cet ouvrage à lire à son fils lorsque ce dernier n’avait que douze ans… Euh, la plupart de mes élèves de cet âge sont incapables de lire un tel roman… c’est un livre bien noir, bien pessimiste sur la nature humaine, bien tragique… certes ces aspects jalonnent l’histiore d’un père exemplaire dans ses activités paternelles…. Ceci peut-il compenser cela?
Quelques passages m’ont bien ennuyée comme la lecture de la majeure partie des extraits des romans du héros, avec ces contes sur l’ours et ces personnages démentiels pour ne pas dire déments… Garp est un écrivain présenté dans ses efforts de création et je n’aurais pas acheté ses oeuvres. Je crois bien concevoir tous les niveaux de lectures (d’interprétations) qui nous sont proposés… et je reconnais qu’Irving pourrait être un maître à penser. Il est un écrivain qui pose des problématiques nombreuses et défriche des pistes de réflexion, en à propos ou de façon essentielle, selon les thèmes abordés, avec une réelle originalité… Oui, je comprends qu’on m’en ait recommandé la lecture et je devrais sans doute le relire…
Cependant… c’est une oeuvre à tiroirs, trop « réfléchie », qui semble farfelue quoique se révélant souvent profonde… et j’ai besoin de me reposer l’esprit après toute une année de classe.
Si le « crapaud du ressac » m’est apparu comme une idée particulièrement bien trouvée, qui sent son vécu (il s’agit d’une métaphore du malheur, du souci, de la fatalité), un topos du quotidien criant de vérité, parce qu’il est placé au sein de la fiction la plus débridée… une fois la dernière page du roman tournée… je n’ai pas d’émerveillement en moi comme après mes lectures d’héroïc-Fantasy si simplettes et univoques, si manichéennes, si improbables dans l’imaginaire et pourtant tellement prévisibles dans leur structure, mes fameuses lectures d’ados et de femmes!
La condition de la femme moderne dans un monde encore trop machiste, est assurément un thème essentiel comme les violences faites aux femmes, le modèle d’une espèce de « maître de maison » (Garp est censé être écrivain mais il s’occupe de ses enfants pendant que son épouse est une professeure d’école supérieure) mais les circonvolutions de la vie de Garp m’ont lassée, surtout dans l’énumération de ses conquêtes féminines, Don Juan souvent malgré lui tué par une femme. Sans parler des multiples renversements de situations, comme lorsqu’il poursuit un violeur et est pris lui-même pour le délinquant…